Un projet pionnier historique pour une véritable économie circulaire
Les objectifs climatiques ambitieux de l'UE confèrent depuis longtemps un rôle central à la durabilité dans le secteur de la construction. La réhabilitation des façades des bâtiments existants offre notamment un potentiel énorme. En première mondiale, nous avons démonté, recyclé et réinstallé une façade complète en verre et en aluminium dans le cadre d'un projet pilote sur le bâtiment de production et de bureaux de l'entreprise de construction métallique Lenderoth située à Brême, en Allemagne. Dans cet entretien, Christophe Lenderoth (Christophe Lenderoth GmbH), Marcel Bartsch (WICONA) et Moritz Feid (Saint-Gobain Glass) expliquent les tenants et les aboutissants d'une véritable économie circulaire, ainsi que son fonctionnement dans la pratique.
Que font actuellement les secteurs de la construction et de la construction métallique en matière de développement durable ?
Moritz Feid : Le sujet de la durabilité prend réellement de plus en plus d'importance dans le secteur de la construction. La demande en produits durables est plus forte que jamais. Le marché pose par ailleurs des exigences plus spécifiques en termes de recyclabilité des produits déjà installés. Concernant le verre, cela veut dire que le vitrage doit être retiré des bâtiments existants, puis recyclé et réutilisé dans de nouveaux bâtiments dans le cadre de l'économie circulaire. Pendant longtemps, la durabilité était un peu considérée comme un « petit plus », mais désormais l'évolution est telle que certaines exigences en matière de durabilité deviennent la norme au niveau de l'industrie.
Christophe Lenderoth : J'aimerais ajouter une chose. Si les choses évoluent dans le bon sens, les efforts en faveur de la durabilité sont encore loin d'être suffisants. Le rapport sur l'écart de circularité a été présenté lors du Forum économique mondial de Davos. Ce rapport indique que, dans l'ensemble du cycle économique, l'économie mondiale n'est circulaire qu'à 7,2 %. Autrement dit, 93 % de l'économie mondiale n'est qu'une économie linéaire. Le potentiel de conservation des ressources est donc énorme. Et c'est là que nous intervenons désormais.
Marcel Bartsch : Nous commençons à voir que la durabilité joue une rôle de plus en plus important dans le processus de décision, notamment auprès des investisseurs et des promoteurs immobiliers. Mais la pression pour construire de manière durable n'est toujours pas assez forte pour de nombreux influenceurs clés. Mais ça va évoluer, notamment en raison de la taxonomie de l'UE. La situation actuelle du marché, avec son déclin marqué dans les nouvelles constructions, offre une grande opportunité de se concentrer davantage sur la réhabilitation et la rénovation, et de faire progresser l'économie circulaire en termes de conservation des ressources et de réduction des émissions de carbone.
Donc, pour être plus précis, quelle est l'importance de la durabilité pour Lenderoth, Saint-Gobain Glass et WICONA ?
Christophe Lenderoth : Pour nous, en tant qu'entreprise de construction métallique, la durabilité est extrêmement importante, et nous entendons jour un rôle de pionnier dans ce domaine. Cela vaut non seulement pour nos opérations internes, mais avant tout pour tous nos projets. Nous proposons à nos clients des solutions de fenêtres et de façades, soit directement, soit comme alternative, qui ont les émissions de carbone les plus faibles possibles. Nous adoptons à cet égard une approche globale. Non seulement nous fabriquons des façades économes en énergie, mais nous nous efforçons aussi d'utiliser des matériaux dont la production entraîne le moins d'émissions de carbone possible. L'idée de l'économie circulaire est essentielle pour cela. C'est donc ce qui nous a démarrer ce processus de collaboration avec WICONA et Saint-Gobain, pour entreprendre cette revitalisation unique de notre propre façade de bâtiment.
Marcel Bartsch : Chez WICONA, chacun sait que la durabilité est extrêmement importante, et notre société mère Hydro a toujours tenu le rôle de pionnier dans ce domaine. Notre alliage en aluminium durable Hydro CIRCAL 75R est désormais disponible depuis cinq ans sur le marché. Et nous disposons d'un nouvel alliage, l'Hydro CIRCAL 100R, depuis 2023. Ce dernier est fabriqué à partir de 100 % d'aluminium en fin de vie et, avec une moyenne de 0,5 kg de CO2 par kilo d'aluminium, il a l'empreinte carbone la plus faible du secteur à l'échelle mondiale.
Moritz Feid : Le sujet de la durabilité se trouve également au cœur des activités de Saint-Gobain Glass. Le projet de devenir un pionnier de la construction durable est l'un des principaux sujets abordés lors des discussions sur les domaines d'action qui comptent pour nous ces prochaines années. En tant que grand fabricant de matériaux de construction, nous pouvons bien sûr utiliser les synergies de nos différentes marques. Par exemple, nous avons Saint-Gobain Glass, mais aussi Isover, Rigips, Weber, etc. Et chacune de nos marques a déjà mis en place des solutions durables. Chez Saint-Gobain Glass, nous avons introduit ORAÉ, le premier substrat de verre à faible teneur en carbone du marché. Pour le domaine du vitrage, cela représente une empreinte carbone de seulement 6,64 kg d'équivalent CO2 par m² (avec une épaisseur de vitre de 4 mm). En arrivant maintenant à associer ces marques individuelles pour les faire travailler ensemble, nous aurons une approche intégrée qui permettra réellement de faire recirculer les matières premières et les matériaux en fin de vie et de les recycler plus efficacement. Et c'est pourquoi ce projet avec Lenderoth est particulièrement intéressant.
Notre objectif était de construire une façade consommant le moins de ressources possible et économisant un maximum d'émissions de carbone. C'est ce que nous appelons la durabilité holistique » explique Christophe Lenderoth.
Christophe Lenderoth
Comment est né le concept de recyclage de l'ensemble de la façade du bâtiment de bureaux et de production de Lenderoth ?
Christophe Lenderoth : Ici, sur notre site de Brême, nous avons une façade qui a été construite dans les années soixante-dix. Évidemment, elle ne satisfait plus les exigences actuelles en termes de protection et d'isolation thermiques. Compte tenu de la forte hausse des prix de l'énergie, nous souhaitons agir aussi vite que possible et rénover notre bâtiment. Nous avons donc décidé d'ériger une façade en aluminium et en verre moderne permettant une consommation des ressources réduite et un maximum d'économies de CO2. Très vite, nous nous sommes aperçus qu'il nous fallait envisager la durabilité de manière globale, sans oublier la mise au rebut de la façade existante dans le cadre d'une économie circulaire. WICONA et Saint-Gobain Glass ont été pour nous d'excellents partenaires pour ce projet ambitieux.
Quelle est la particularité de ce projet et quel a été le processus de construction ?
Marcel Bartsch : Pour nous, ce projet est une première mondiale, mais aussi un projet vitrine pour une véritable économie circulaire. Avec l'Hydro CIRCAL 100R, nous avons eu la possibilité d'intégrer un alliage en aluminium dans notre façade éprouvée WICTEC 50 aspect grille, entièrement constituée de matériaux en fin de vie. Nous pouvons ainsi créer de nouveaux produits à partir d'anciens. Les anciens composants en aluminium ont été retirés, triés et traités dans notre usine de recyclage basée à Dormagen à l'aide de notre processus de recyclage breveté. Ils ont ensuite été transformés en nouveaux profilés puis remis en place ici à Lenderoth. Une vraie économie circulaire sans aucun nouvel aluminium primaire.
Moritz Feid : Et c'est la même chose pour le vitrage. Ce qui est intéressant avec cette façade, et c'est là un exemple d'application de l'économie circulaire, c'est que l'ancien vitrage a été démantelé et recueilli, cassé en morceaux, puis fondu dans l'usine de flottage avant d'être finalement traité en nouveau verre isolant, et tout cela sur le même site. Ces nouvelles unités de verre isolant fabriquées avec notre verre ORAÉ ont ensuite été installées ici, dans la façade. Cela témoigne de la coopération fructueuse entre les départements de recyclage et de vente, afin de servir les deux facettes du projet de construction - le démantèlement et le nouveau vitrage.
Christophe Lenderoth : Exactement. Avec cette façade, nous avons souhaité nous diversifier, sortir des sentiers battus et, bien sûr, inspirer d'autres personnes à agir de manière plus durable. Cette façade présente un projet phare dans le nord de l'Allemagne actuellement. En travaillant avec WICONA et Saint-Gobain Glass, nous avons pu mettre en œuvre notre rénovation de façade entièrement à partir de matières premières secondaires, ce qui nous permis d'économiser 24,6 tonnes de CO2 au total.
Nous disposons déjà de la technologie pour produire de nouveaux profilés fabriqués à partir de 100 % d'aluminium en fin de vie, dans la même qualité supérieure » ajoute Marcel Bartsch.
Marcel Bartsch
En termes de bâtiment ou de processus, est-ce différent d'un projet de construction métallique traditionnel ?
Christophe Lenderoth : Le processus est identique à n'importe quelle rénovation de façade. La seule chose, c'est que nous faisons un peu plus attention lors du démantèlement de la façade : nous veillons à ce que les matériaux sont soigneusement séparés, puis triés. Pour ce faire, nous avons fourni deux containeurs différents pour le verre et l'aluminium. Le processus de déconstruction doit donc être planifié de manière à pouvoir retirer les matériaux, puis les envoyer vers l'usine de recyclage appropriée d'Hydro ou de Saint-Gobain Glass.
Marcel Bartsch : Je me permets d'ajouter une chose : en général, en matière d'exploitation minière urbaine, nous devons penser à l'avenir pour nos projets actuels, et planifier le démantèlement des ressources existantes d'ici 30 à 50 ans. Les produits doivent donc être conçus de manière durable, en gardant à l'esprit la circularité afin de simplifier le tri et la séparation des matériaux au moment où ils arrivent en fin de vie. Ces matériaux doivent absolument pouvoir être réutilisés et rester dans le cycle.
Et pour finir, tournons-nous vers l'avenir. Pensez-vous que les façades recyclables deviendront la norme dans le secteur de la construction ?
Moritz Feid : Oui, certainement. Nous parlons d'une transformation du secteur. Et le secteur de la construction est un secteur important. Le secteur du bâtiment et de la construction produit beaucoup d'émissions de carbone. Et ça, nous ne pouvons pas l'ignorer. Je dirais même que, dans les prochaines années, d'ici 2030 au plus tard, nous serons probablement soumis à des réglementations statutaires bien plus strictes. Nous serons sans doute obligés de récupérer les matières premières, de les retraiter et de les réinstaller. C'est la raison pour laquelle Saint-Gobain développe actuellement son propre département de recyclage des produits en fin de vie.
Christophe Lenderoth : C'est vrai. En matière de réglementations, je souhaite que le gouvernement garantisse rapidement plus d'engagement et de sécurité. Les directives actuelles manquent encore de clarté. Mais, pour en revenir à votre question. Oui, les façades recyclables deviendront sûrement la norme, parce que l'économie circulaire est essentielle pour contrôler la consommation mondiale des ressources. De ce point de vue-là, nous n'avons pas d'autre choix.
Marcel Bartsch : Exactement. À long terme, nous ne pouvons tout simplement pas continuer à construire avec des matières premières primaires. Nous devons décider dès aujourd'hui de mettre toute notre énergie au service de l'économie circulaire pour construire nos façades. Nous disposons des technologies nécessaires et nous devons commencer à les exploiter. Et cela ne fonctionnera qu'en collaboration avec de solides partenaires industriels, tels que Saint-Gobain, ou des entreprises de construction métallique, telles que Lenderoth.
Le sujet de l'exploitation minière urbaine est une réalité. De nos jours, les matières premières se trouvent dans les villes et doivent y être extraites